Je suis celle qui culpabilise, qui se demande parfois quelle est donc justement cette nature qui ne veut pas m'accorder un enfant.
Je suis celle qui ne vit que par mes cycles, qui connait chaque degré de mon corps à la perfection.
Je suis celle qui est capable de claquer un fric fou (ne vous en déplaise) en tests d'ovulation. Une montagne d'or s'il le fallait pour avoir ce que vous vous avez en quelques coups de plaisirs.
Je suis celle pour qui le sexe n'est plus totalement comme avant, je suis celle qui quand elle fait l'amour est prégnante d'un petit fantôme qui ne vient jamais.
Je suis celle qu'on fait également culpabiliser.

Je suis celle qui en entend de toutes les couleurs, celle qui a tout intérêt à se taire parce que l'entourage bienveillant a toujours le bon mot :
« Tu sais, j'ai une amie qui ne pensait qu'à ça et ça la bloquait, détends-toi un peu et ça viendra tout seul »
« Tu sais, je connais un bon magnétiseur »
« Tu sais, je connais un bon psy »
« Quand on veut on peut »
« Tu sais, si ça ne vient pas, c'est qu'il y a une bonne raison » (avec l'air inspiré, de préférence)
« Tu es sure que tu as fait tout ce qu'il fallait ? »

Je suis celle qui ne rit pas quand on me dit : 
« Tu veux un bébé ? Prends le mien ! »

Je suis celle que les médecins ont culpabilisée.
« Votre sur-poids »
« Votre sous-poids »
« Votre passé, vos bêtises »
« Votre hygiène de vie »
Je suis celle qui a une salle de bain qui ressemble aujourd'hui plus à une pharmacie qu'à un institut de beauté.

Je suis celle qui est capable, oui, je le confesse, de faire des recherches absurdes sur Google.
« Que manger pour tomber enceinte ? »
« Quelle position pour tomber enceinte ? »

Je suis celle qui cherche des explications sans jamais en trouver, je suis celle qu'on regarde comme un animal curieux, je suis celle à qui on demande sans cesse « Alors ce petit il est pour quand ? » Je suis celle qui, pour chacune de ces questions impudiques, doit livrer son carnet de santé avec le sentiment d'être sur une table d'auscultation, les pieds dans les étriers.

Je suis celle qui a bien la rage quand son amie est enceinte, mais je suis aussi celle qui se réjouit pour les autres.
Je suis celle qui pense à l'adoption.
Je suis celle qui prend du poids, traitement hormonal oblige, qui grossit sans jamais voir son ventre s'arrondir.

Je suis celle qui est épuisée par les traitements, je suis celle qui n'ose pas franchir la porte du médecin :
« Pourquoi moi, que va-t-il m'annoncer ? Suis-je ridicule ? »

Je suis celle qui en a marre de se faire appeler « tata » ou « marraine ».

Je suis celle qui ne demande qu'une chose : qu'on m'appelle Maman, un jour.